lundi 22 juillet 2013

Pierre Fabre : À Dieu…



Tout mon pays tarnais si marqué par l’empreinte extraordinaire de Pierre Fabre est dans le deuil. Et bien au-delà : non seulement les personnnels de tous les établissements de l’Entreprise mais aussi des multiples filiales de par le monde.

 Le pleurent aussi nombre de ces « enfants du Mékong » dont il a tant aidé la belle association qui porte ce nom, fondée et longtemps dirigée par « Tonton Péchard », ce légionnaire passé par les camps viets et qui consacra héroïquement et saintement sa vie aux enfants orphelins ou sinistrés de la tragédie indochinoise. Pierre Fabre n’était pas en effet qu’un immense chef d’entreprise mais un grand Français, patriote de cœur et d’âme, harmonisant dans toute son œuvre l’amour de l’enracinement dans sa terre et le sens de l’universel.

Me reviennent les merveilleux moments sur ces questions, chez lui ou chez son frère Jean, avec Gustave Thibon. Il se faisait une joie de le faire ramener avec son hélicoptère, chez lui, à Saint-Marcel-d’Ardèche, en compagnie d’Elisabeth mon épouse.

Avec Dom Gérard, que je connus quelques années avant de le connaître et qui est monté au Ciel il y a déjà plus de cinq ans, Pierre Fabre est le deuxième homme à avoir marqué autant ma vie. Dire que je lui dois beaucoup serait peu dire. De lui j’ai appris beaucoup, professionnellement presque tout, mais aussi beaucoup de ce que j’ai pu comprendre sur la conduite des hommes.

De 1968 à ce jour, son attentive amitié pour ma famille et moi, fut constante. Même lorsqu’il se désola, sans m’en vouloir un instant, de me voir quitter l’entreprise pour mes chemins militants. D’ailleurs, pour les œuvres de Chrétienté-Solidarité jamais je ne fis en vain appel à lui. Il partageait tant cet idéal de solidarité chrétienne ! Je pouvais ainsi toujours de Beyrouth, de Tegucigalpa ou Slavonski-brod lui demander de l’aide pour les enfants dans les malheurs de la guerre.

Auparavant, pendant presque quinze ans, j’avais eu la grande chance de travailler selon les postes qu’il me confia. Ce n’était pas toujours facile tant il était un travailleur acharné et tant il voulait en tout, avec raison, la perfection.

C’était là l’exigence première de son métier, de son idéal de pharmacien et de l’homme de science au service de la santé et de la beauté. Cette volonté de perfection s’exprimait aussi dans sa passion à donner à ses collaborateurs les plus beaux cadres de travail qui soient, dans l’harmonie de l’architecture, de l’agencement intérieur, de l’intégration aux paysages, de la splendeur des espaces verts.

Passionné d’histoire, infatigable lecteur aussi, ayant fait son miel de bien des personnages qu’il admirait, Pierre Fabre n’était certes pas un idéologue, un théoricien abstrait sur les questions économiques et sociales. Mais aux commentateurs ignorants et aux politiciens médiocres confondant le social et le socialisme, la gauche et la justice,  il est aisé de répliquer, pour la vérité de l’homme, de son œuvre et de ses convictions, qu’il a été certainement un des plus grands réalisateurs des principes de ce que l’on appelle la doctrine sociale de l’Église.

Il évoquait souvent d’ailleurs, comme son frère Jean, ce qu’ils devaient de culture politique dès leur jeunesse à l’abbé Chauvon de Castres, prêtre de grande foi et de grand rayonnement, de forte conviction contre-révolutionnaire qu’il évoqua souvent au long de sa vie. Je me souviens encore de la passionnante rencontre que je leur organisai avec Louis Salleron, cet homme trop oublié aujourd’hui, qui était un grand penseur catholique et notamment un grand économiste, qui avait tant œuvré pour maintenir l’agriculture française pendant la seconde guerre.

Avec mon ami Henri Yrissou, député-maire de Gaillac, si cher aux trois frères Fabre, (Roger, Jean et Pierre), Louis Salleron avait été un des conseillers les plus proches d’Antoine Pinay, cet homme politique qui fut à bien des égards, en son temps, un grand chef de gouvernement qu’ils admiraient.

Louis Salleron, avec ses articles dans Itinéraires et son livre « Diffuser la propriété », était une de ces intelligences claires qu’appréciait Pierre Fabre. Sans doute médita-t-il les idées sur la diffusion de la propriété. Mais surtout, comme nul autre, il a su les mettre en œuvre dans la magnifique réalisation, scientifique, commerciale, industrielle, sociale de son entreprise.

Autre principe : des unités à taille humaine n’excédant jamais quelques centaines de personnes. Pierre Fabre n’était pas de ceux qui empilent les hommes pour des raisons de rationalité économique immédiate. Il savait combien le respect de l’écologie humaine était une des clés de la réussite des entreprises.

Je voudrais reparler plus longuement de tout cela dans mon émission du 4 septembre sur Radio-Courtoisie. Je ne puis en effet assurer ce mercredi « l’enregistrement » obligatoire de celle du 7 août en raison des travaux prévus au cours du mois. Je serai à Castres, aux obsèques. J’y retrouverai tant et tant de visages amis, ceux des « conditionneuses », des préparateurs et des dépanneurs-régleurs de l’usine de Sonal où j’ai passé  de belles années comme chef du service du personnel, ceux des délégués syndicaux avec lesquels je connus toujours une estime réciproque, ceux aussi de tous les autres secteurs de l’entreprise sur lesquels j’exerçais mes missions d’animation des relations humaines.

Je retrouverai aussi les « grands » du Rugby du Castres Olympique et notamment Gérard Cholley, le légendaire pilier du Quinze de France, cadre dans l’entreprise. Le rugby était la grande passion sportive de Pierre Fabre. J’évoquerai également cela sur Radio-Courtoisie.

Je voudrais dire enfin qu’une des premières messes de l’université du Centre Charlier, la semaine prochaine, à Lourdes, sera dite à son intention.

Parmi ceux qui ont pu, comme Elisabeth et moi, le voir une dernière fois sur son lit de mort, dans sa chambre de la maison de Lavaur, quelques-uns ont pu constater combien il aimait s’entourer de représentations, peintures et statues de la Vierge Marie et d’abord de celles de la Grotte de Lourdes.

Car, au service de la science et des progrès de la médecine et du bien commun social, Pierre Fabre était habité par la charité et porté par l’espérance.

PS : L’émission du 7 août sera dirigée par Jeanne Smits, avec tout le talent qu’on lui connaît.